À-N-UN DEGOUT DE PLUIO.
Siés aqui, esmara sus lou plat de ma man.
Te regarde. Siés clar. Tau l’ome tremoulant,
Afrescouli degout, pur coum’ un diamant,
Semblarié qu’au néiènt toumbes en esquihant.
Passes sus ma pèu coume l’espèr s’en vai.
Voudriéu te garda, Tu, d’aigo pichot rai,
Fiéu dóu Grand Sause eila, invesible, eternau,
Qu’à cha-pau, silencious, plouro d’eilamoundaut
Sus la misèr’umano e sus soun triste sort.
De si lagremo bagno tras que mai moun cor
Qu’es devengu ansin un inmense palun,
Un desert de tristun ounte vèn pus degun.
Que ta famiho es bello de liberta sadoulo!
En mudo ribambello soun courtege s’escoulo
Sènso brut, dins un silènci de capello
Escoutant se en bas i’a pas quaucun qu’apelo.
Vas t’avali rejougne la terro que te sousto
E leissa lou mourtau te trufant de sa routo.
Vas i pèd vegetau que reverdejaras
E uno fes de mai lou vanc vitau saras.
À l’endré de ta marco gravarai de moun det:
« Aqui un pau de Vido m’a remembra ma plaço ».
S’escafara pamens à la prouchano raisso
E restarai soulet…
À UNE GOUTTE DE PLUIE.
Tu es là, égarée sur le plat de ma main.
Je te regarde, tu es claire. Telle un humain tremblant,
Fraîche goutte, pure comme un diamant,
On dirait qu’en glissant tu tombes au néant.
Tu passes sur ma peau comme l’espoir s’en va.
Je voudrais te garder, Toi, petit rayon d’eau,
Fille du Grand Saule, invisible et éternel, là-bas,
Qui peu à peu, silencieux, pleure de là-haut
Sur la misère humaine et sur son triste sort.
De ses larmes il baigne de plus en plus mon cœur
Qui devient ainsi un immense marais,
Un désert de tristesse où ne vient plus personne.
Que ta famille est belle, ivre de liberté,
En muettes ribambelles son cortège s’écoule,
Sans bruit, dans un silence de chapelle,
Écoutant si en bas il n’y a pas quelqu’un qui appelle.
Tu vas rejoindre la terre qui t’abrite
Et laisser le mortel, te moquant de son sort.
Tu vas aux pieds végétaux que tu reverdiras
Et une fois de plus tu seras l’élan vital
À l’endroit de ta marque je graverai du doigt:
« Ici un peu de Vie m’a rappelé ma place ».
Elle s’effacera pourtant à la prochaine averse
Et je resterai seul…
René TROUILLET